Politique, si t’es pas RIC, tu seras R.I.P. !
Publié le 26 Décembre 2018
Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, pas une ligne écrite sur ce blog. La déception agit parfois tel un verrou. Déception d’autant plus redoutable qu’elle fut double : François Fillon se fracassa tranquillement et avec méthode sur sa « névrose du grisbis » ; Emmanuel Macron gagna paisiblement, en marchant sur l’eau, presque « sous vide » tel ces plats sans saveur qui vous remplissent sans procurer le moindre plaisir. Victoire par défaut souvent rime avec solutions placebos.
La France a connu des présidentielles plus poivrées. En 2017 elle semblait sous tranxène.
Depuis quelques semaines, rien ne va plus. Les dés du hasard roulent, les gilets jaunes hystérisent le débat public ; le destin semble plus fluide que jamais. Christophe Guilluy, auparavant ostracisé, est maintenant régulièrement consulté. Il a fort bien expliqué les ressorts de la crise des classes moyennes et je ne veux pas revenir dessus (il vaut mieux lire ses livres).
Je vais utiliser une chose vue qui me semble ouvrir une perspective intéressante.
- Forces de l’ordre : « Ils ont signé » : une anecdote révélatrice … ?
Vers la mi-décembre je me rendis à un dîner.
Tout réjoui de retrouver des proches et un ami de longue date, j’étais gai comme un pinson.
La conversation roula bien vite sur les « GJ ». Bien que l’assistance soit composée de Parisiens vivant tout à fait correctement, nul mépris n’émanait des convives. Quelques moqueries bien senties sur les contradictions des revendications. Ce que je considère comme sain et utile : revendiquer avec cohérence ou rester chez soi ; tel me semble être une des bases de toute demande sociale.
Le sujet de la violence pointa le bout de son nez.
Dans le domaine de la vente, que ce soit en porte à porte pour 50 € / mois ou pour une vente de solutions sur 10 ans et des millions d’€ de « TCV » (Total Contract Value comme nous disons dans le merveilleux & sirupeux vocabulaire du « brave new world » globalisé), on vous apprend à vous taire, à écouter et observer avant de l’ouvrir. Cela vous évite de rapidement finir par ressembler à un sous Don Quichotte à la poursuite d’un sirocco imaginaire.
J’assistais de la part de 2 convives à un festival :
En bref, l’arc de triomphe n’est en rien un symbole et les CRS & autres policiers « ont signé » pour se faire joyeusement caillasser la tronche sans, bien entendu, pourvoir rétorquer, puisqu’ils ont signé …
Fascinante, l’insistance avec laquelle l’expression « ils ont signé » fut martelée et la vitesse à laquelle elle apparut dans la conversation.
J’avais l’impression de voir fonctionner la partie du cerveau reptilien en isolation : la tonalité de la voix bien entendu mais aussi le langage du corps, le sourire narquois sur le visage de l’interlocuteur définissaient une forme de plaisir barbare : ces gens peuvent être déchiquetés par la foule, après tout, « ils ont signé ».
Quel mélange de merveilleux et de pathétique dans l’espèce humaine ! Un parfait abruti peut avoir un éclair d’intelligence et une personne dotée d’un esprit que l’on pense solide peut soudain battre la campagne !
Les bons bourgeois qui me servirent ce morceau d’anthologie seront bien entendu les premiers à requérir, que dis-je, réquisitionner la force publique au cas où leurs biens & leur auguste personne se verraient secoués par une éruption populaire qui sera alors qualifiée de populiste …
Afin de les mettre devant leurs responsabilités, voici une idée :
- Le RIC c’est chic :
Depuis quelques jours je lis de nombreux articles, commentaires, remarques, sur l’une des principales revendications des GJ (si ce n’est la principale) : le RIC (Référendum d’Initiative Populaire)
Comme en 1962 avec le passage au suffrage direct pour l’élection du Président de la République, la grande majorité des universitaires est … contre.
On nous explique que les Suisses sont les Suisses et qu’ils ont l’expérience du sujet ; de toute façon ils sont organisés différemment ; cela laisserait la porte ouverte aux « passions tristes » ; un bon exemple qui résume la conviction des élites peut être trouvé dans la lettre de TTSO :
« Ce que dit Sureau : « il faut savoir ce que c’est que le peuple et sa souveraineté. La souveraineté du peuple français c’est son histoire, celles de ses luttes, de ses combats et de ses guerres avec lesquelles il a réussi a fabriquer un régime de libertés. Ça n’est pas la licence donnée à une génération — la nôtre ! — de détruire les progrès que les générations antérieures ont fait ». Le peuple comme continuum historique et non comme la manifestation de l’opinion à un instant T. Remarquable »
Si je comprends bien la souveraineté d’un peuple se construit maintenant en le tenant à distance ! Qui sont les juges du « tribunal de la conscience universelle » cher à Raymond Aron qui décideront de ce qui est « progrès » ou « régression » … ?
Cette tirade me fait furieusement penser au suffrage censitaire et à Jules Renard qui déclarait dans son journal le 08 Juin 1904 : « Oui, le peuple ! Mais il ne faudrait jamais voir sa gueule »
Elle me rappelle aussi les déclarations, lues dans le Figaro du 22 Décembre, d’un professeur de droit à Harvard, Roberto Unger. Il reproche à ses pairs leur « inconfort vis-à-vis de la démocratie », leur apologie des « restrictions imposées à la règle majoritaire, plutôt qu’au pouvoir des minorités dominantes » et « l’opposition à toutes les réformes institutionnelles, particulièrement à celles visant à accroître le niveau d’engagement politique populaire, en tant qu’elles menaceraient un régime de droits ». En somme, conclut Roberto Unger, volontiers caustique, les professeurs de droit partagent « un idéal de démocratie délibérative d’autant plus acceptable que son style se rapproche d’une conversation polie entre gentlemen dans un salon du XVIIIe siècle »
Je suis convaincu qu’une belle amélioration du fonctionnement de la démocratie Française est à portée de mains grâce à un travail de fond sur le RIC (nombre minimum de citoyens signataires pour déclencher un vote ? Certains sujets seront-ils à exclure et si oui pourquoi ? , etc … ).
La création d’une identité numérique sécurisée permettra un vote électronique rapide et efficace (un embryon d’identité numérique existe grâce à FranceConnect).
Objectif : réparer le lien entre les Français et les élus
Moyens : utiliser une technologie nationale pour ce projet : la France dispose des acteurs technologiques capables de mener à bien ce défi.
Actions : nommer un chef de mission responsable devant le Président et non un comité Théodule dont la France a le secret
Résultat : la classe politique sera vue dans l’action au service des citoyens. Elle se grandira par le don de plus de pouvoir et donc plus de responsabilités. Les Français seront traités en adultes : à eux de se montrer dignes de ce pouvoir. Ils seront très directement en face de leur responsabilité.
Les élections Européennes arrivent vite (1er tour : 23 Mai 2019).
Ma conviction est que si les politiques ne se secouent pas la paillasse ils seront balayés par une nouvelle explosion de contestation. En résumé, « sans le RIC, c’est le R.I.P. » (Rest In Peace).
En cas de malheur, nos chers bourgeois qui se donnent des frissons en cassant du CRS par procuration seront les 1ers à se ruer sur leur téléphone.
Il se peut que la République soit occupée ailleurs …